Exposition temporaire sur la Place des Nations à Genève face aux Nations Unies, d’une réplique de la cellule d’isolement où Alexeï Navalny a déjà été détenu plus de 12 fois (état 2023).
Que faire des textes bibliques à dominante clairement négative, comme le livre du prophète Nahoum, qui annonce la ruine de Ninive, la capitale assyrienne ? L'Evangile n'est-il pas un message d'espérance en toute situation ? Certes, mais la foi chrétienne n'est pas une fuite de la réalité, elle offre au contraire la force de s'y confronter.
Que faire des textes bibliques à dominante clairement négative, comme le livre du prophète Nahoum, qui annonce la ruine de Ninive, la capitale assyrienne ? L'Evangile n'est-il pas un message d'espérance en toute situation ? Certes, mais la foi chrétienne n'est pas une fuite de la réalité, elle offre au contraire la force de s'y confronter.
Gilles Bourquin,
Livre du prophète Nahoum 2,6-11 – La chute de Ninive
6 – Le roi d’Assyrie évoque ses vaillants capitaines.
Leur démarche est chancelante ! –
On se précipite jusqu’aux remparts ;
l’abri est mis en place.
– L’effondrement
7 Les portes donnant sur les fleuves sont forcées ;
au palais, c’est l’effondrement !
8 La Statue est découverte, enlevée ;
ses desservantes, colombes plaintives, sont emmenées ;
elles se frappent la poitrine.
9 Depuis toujours, Ninive était comme un réservoir
aux eaux abondantes.
Et les voilà qui s’échappent !
Tenez bon, tenez ferme !
Mais aucun ne se retourne !
10 Raflez l’argent, raflez l’or,
c’est une mine inépuisable,
un monceau de toutes sortes d’objets précieux !
11 Tout est pillé, dépouillé, pilonné ;
le courage s’évanouit,
les genoux flageolent,
ils tremblent de tout leur corps,
tous les visages sont cramoisis.
Livre du prophète Nahoum 3,19 – La terreur du monde touchée à mort
Dernière phrase du livre :
19 Irréparable, ton désastre,
incurables, tes blessures !
Quiconque apprend de tes nouvelles applaudit à ton mal.
Eh oui ! sur qui ta cruauté n’a-t-elle pas passé et repassé ?
Deuxième épître de Paul à Timothée 3,10-17 – Persécutions et persévérance de Paul
10 Mais toi, tu m’as suivi avec empressement dans l’enseignement, la conduite, les projets, la foi, la patience, l’amour, la persévérance, 11 les persécutions, les souffrances que j’ai connues à Antioche, à Iconium, à Lystres. Quelles persécutions j’ai subies ! Et de toutes le Seigneur m’a délivré ! 12 D’ailleurs tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus seront persécutés. 13 Quant aux hommes mauvais et aux imposteurs, ils progresseront dans le mal, trompant les autres et trompés eux-mêmes. 14 Mais toi, demeure ferme dans ce que tu as appris et accepté comme certain : tu sais de qui tu l’as appris. 15 Depuis ta tendre enfance tu connais les Saintes Ecritures ; elles ont le pouvoir de te communiquer la sagesse qui conduit au salut par la foi qui est dans le Christ Jésus. 16 Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour réfuter, pour redresser, pour éduquer dans la justice, 17 afin que l’homme de Dieu soit accompli, équipé pour toute œuvre bonne.
Evangile de Luc 21,5-11 – Annonce de la ruine du temple et signes proches et lointains du jugement
5 Comme quelques-uns parlaient du temple, de son ornementation de belles pierres et d’ex-voto, Jésus dit : 6 « Ce que vous contemplez, des jours vont venir où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. »
7 Ils lui demandèrent : « Maître, quand donc cela arrivera-t-il, et quel sera le signe que cela va avoir lieu ? » 8 Il dit : « Prenez garde à ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront en prenant mon nom ; ils diront : “C’est moi” et “Le moment est arrivé” ; ne les suivez pas. 9 Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne soyez pas effrayés. Car il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. »
10 Alors il leur dit : « On se dressera nation contre nation et royaume contre royaume. 11 Il y aura de grands tremblements de terre et en divers endroits des pestes et des famines, des faits terrifiants venant du ciel et de grands signes.
Prédication du 26 octobre 2025 à Péry, dans le Jura bernois, en Suisse
Infliger à ses paroissiens trois textes bibliques à dominante clairement négative, n’est-ce pas un tort, un manquement, de la part d’un pasteur de paroisse, consacré afin de prêcher la Parole d’espérance de l’Evangile ? N’y a-t-il pas le risque que les fidèles s’en retournent ce dimanche à la maison en se disant : « Eh bien, le culte d’aujourd’hui m’a découragé » ?
D’un autre côté, édulcorer continuellement la Bible en la dépouillant de tous ses textes difficiles à lire, décourageants ou même inquiétants, n’est-ce pas une solution de facilité qui a pour effet de banaliser le message biblique, de le rendre lisse, sans aspérités et sans prise sur la réalité historique souvent dramatique de l’humanité ? La politique de l’autruche, apaisante à court terme, se montre souvent catastrophique à long terme.
N’est-il pourtant pas vrai qu’en toute circonstance, un pasteur est chargé de délivrer une parole positive, prêchant la victoire de l’Evangile sur le mal et sur la mort. Oui, certainement ! Au chevet des mourants, à domicile ou à l’hôpital, et même auprès des blessés inguérissables sur un champ de bataille, le message reste de le même : Il s’agit de l’accueil inconditionnel de Dieu et de la délivrance des misères de l’existence présente.
Trois textes bibliques qui évoquent les drames de l’histoire
Alors, pourquoi présenter trois textes bibliques qui évoquent chacun à leur manière les drames de l’histoire humaine ? Le bref livre du prophète Nahoum évoque presque exclusivement la chute sans remède et définitive de l’Empire assyrien et de sa capitale Ninive, aux environs de 612 avant Jésus-Christ. Le texte paulinien évoque les nombreuses persécutions subies par l’apôtre Paul, tandis que le texte de l’Evangile de Luc, sous la forme d’une petite apocalypse, évoque la destruction du Temple de Jérusalem, qui eut lieu en 70 après Jésus-Christ, et plus généralement les malheurs de l’histoire humaine : faux messies porteurs de promesses illusoires, guerres, révoltes, épidémies et famines, etc.
Pourquoi présenter de tels textes bibliques, qui ternissent inévitablement l’ambiance du culte ? La réponse est simple : Parce que ce sont des réalités historiques, et que l’Evangile de Jésus-Christ, tout en étant une parole de victoire sur le mal, n’est pas une échappatoire. L’Evangile n’est pas une rêverie joyeuse, ni un conditionnement psychologique positif. La crucifixion et la résurrection de Jésus annoncent à la fois la réalité du mal et sa délivrance.
Cette annonce simultanée du malheur et du bonheur est une caractéristique du message biblique dans son ensemble. La contradiction des deux aspects simultanés de la vie est soulignée dans la littérature de sagesse : « Si un homme vit de nombreuses d’années, qu’il se réjouisse en elles toutes, mais qu’il se souvienne que les jours sombres sont nombreux, que tout ce qui vient est vanité » (Qo 11,8). Se réjouir de la vie, malgré la réalité du mal.
Le livre du prophète Nahoum entre effondrement et délivrance
A vrai dire, chacun des trois textes de ce jour, malgré sa dominante négative, contient des braises d’espérance. Le livre entier du prophète Nahoum, en particulier, en décrivant l’effondrement de Ninive, cache en réalité un message de délivrance. La ruine de l’oppresseur correspond à la libération des opprimés. Le texte poétique multiplie les figures stylistiques qui soulignent ce renversement improbable de situation politique.
« Depuis toujours, Ninive était comme un réservoir aux eaux abondantes. Et les voilà qui s’échappent ! » (Na 2,9). Quel contraste entre la réputation invincible de la ville, et l’éventrement des murailles, qui laissent s’échapper ses réserves d’eau ! « Les portes donnant sur les fleuves sont forcées, au palais, c’est l’effondrement » (Na 2,7). Les digues protégeant la ville s’effondrent, entrainant la dislocation du palais réputé imprenable.
Au même titre que l’eau s’échappe de partout, « le courage s’évanouit, les genoux flageolent, ils tremblent de tout leur corps, tous les visages sont cramoisis » (Na 2,11). Le texte évoque ainsi le type particulier de détresse qui frappe l’homme qui croyait sa puissance à l’abris de toute défaite ; la surprise, la déconvenue inattendue du tyran. La Bonne Nouvelle, c’est ici que les dominateurs sont renvoyés au rang de tous les humains. Ils se croyaient invincibles, et les voici subitement abattus, ridicules, remplis d’angoisses.
La conclusion du livre est sans appel : « Irréparable, ton désastre, incurables, tes blessures ! Quiconque apprend de tes nouvelles applaudit à ton mal. Eh oui ! sur qui ta cruauté n’a-t-elle pas passé et repassé ? » (Na 3,19). Le texte décrit ainsi le soulagement des victimes de la domination assyrienne, sans qualifier moralement leur joie toute humaine suscitée à la vue de la déroute de leur ennemi. Dans sa présentation, Jean-Daniel Macchi constate « que l’espoir du triomphe violent est moins choquant lorsqu’il sort de la bouche ou de la plume des opprimés » (Intro. à l’Ancien T., Labor et Fides, 2009, p.519).
Nos sentiments politiques
Ne sommes-nous pas habités de sentiments semblables lorsque nous espérons la chute des empires qui nous menacent, comme la Russie de Poutine ; ou l’affaiblissement des puissances commerciales qui nous exploitent, comme les Etats-Unis de Trump ; ou encore la défaite des gouvernements qui nous déplaisent, comme celui de Netanyahou sur Israël.
Nous nous exaspérons face à la longévité de régimes agressifs comme celui de Poutine, qui n’hésite pas à éliminer ses opposants sans la moindre pitié, tel le sort réservé à Alexeï Navalny en 2024, dans l’indifférence internationale la plus complète. Nous nous étonnons du destin impitoyable réservé à certains hommes ayant exercé des fonctions politiques de renommée internationale, comme le président français Nicolas Sarkozy incarcéré. Ainsi, nos sentiments politiques ne sont-ils pas comparables à ceux des prophètes bibliques, auxquels nous reprochons facilement leurs jugements théologiques d’apparence extrême ?
Les deux agirs divins dans l’histoire : Providence et Révélation
Néanmoins, la complexité de l’histoire, faite de jugements tantôt rapides, tantôt absents, rend impossible toute compréhension exhaustive de l’action divine providentielle. Selon la théologie chrétienne, Dieu agit de deux manières dans l’histoire, d’une part au travers de ses jugements providentiels, qui demeurent incompréhensibles, et d’autre part par sa révélation, au travers du peuple juif puis de Jésus-Christ, qui nous est accessible.
Demeurer ferme et tenir tête
Lorsque nous sommes gagnés par le sentiment du marasme généralisé de l’histoire, qui plonge l’humanité dans une grisaille morale insurpassable, une seule parole d’Evangile nous suffit à tenir tête à la fatalité de la vie terrestre : « Quant aux hommes mauvais et aux imposteurs, ils progresseront dans le mal, trompant les autres et trompés eux-mêmes. Mais toi, demeure ferme dans ce que tu as appris, […], la sagesse qui conduit au salut par la foi qui est dans le Christ Jésus » (2 Tm 3,13-14). Le mal n’est pas ignoré ! Au contraire, sa réalité appelle à une conduite ferme : Selon l’Evangile, le juste ne parvient pas à enrayer toute la corruption du mal, étant lui-même gagné par la corruption du péché, il lui est donc demandé de persévérer à bien agir en s’appuyant sur la grâce divine qui lui est allouée.
L’Evangile n’implique donc pas une espérance politique naïve, mais une force pour agir face à l’adversité : « Prenez garde à ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront en mon nom, […], ne les suivez pas » (Lc 21,8). Vivre de l’Evangile consiste donc à se garder de croire aux promesses trop belles, celles qui rêvent un peu trop vite d’un avenir radieux, miraculeux et heureux, débarrassé de la difficile réalité de l’histoire humaine. L’Evangile n’enseigne pas qu’il soit possible d’établir sur Terre un gouvernement évangélique au-dessus de tout soupçon. Toute tentative d’établir sur Terre un « Règne de Dieu » avant l’heure, une théocratie au travers de laquelle Dieu gouvernerait le monde, se solde en réalité par l’établissement d’un système politique totalitaire, dans lequel les dirigeants se targuent de prétentions divines, alors qu’ils ne sont que des êtres humains ordinaires et faillibles. La foi chrétienne n’est pas une fuite de la réalité vers un idéal utopique, elle permet au contraire d’habiter la réalité humaine telle qu’elle est, avec ses difficultés et ses promesses. Amen.
Vous pouvez réagir à cette prédication sur » mon propre site internet.
6 – Le roi d’Assyrie évoque ses vaillants capitaines.
Leur démarche est chancelante ! –
On se précipite jusqu’aux remparts ;
l’abri est mis en place.
– L’effondrement
7 Les portes donnant sur les fleuves sont forcées ;
au palais, c’est l’effondrement !
8 La Statue est découverte, enlevée ;
ses desservantes, colombes plaintives, sont emmenées ;
elles se frappent la poitrine.
9 Depuis toujours, Ninive était comme un réservoir
aux eaux abondantes.
Et les voilà qui s’échappent !
Tenez bon, tenez ferme !
Mais aucun ne se retourne !
10 Raflez l’argent, raflez l’or,
c’est une mine inépuisable,
un monceau de toutes sortes d’objets précieux !
11 Tout est pillé, dépouillé, pilonné ;
le courage s’évanouit,
les genoux flageolent,
ils tremblent de tout leur corps,
tous les visages sont cramoisis.
Livre du prophète Nahoum 3,19 – La terreur du monde touchée à mort
Dernière phrase du livre :
19 Irréparable, ton désastre,
incurables, tes blessures !
Quiconque apprend de tes nouvelles applaudit à ton mal.
Eh oui ! sur qui ta cruauté n’a-t-elle pas passé et repassé ?
Deuxième épître de Paul à Timothée 3,10-17 – Persécutions et persévérance de Paul
10 Mais toi, tu m’as suivi avec empressement dans l’enseignement, la conduite, les projets, la foi, la patience, l’amour, la persévérance, 11 les persécutions, les souffrances que j’ai connues à Antioche, à Iconium, à Lystres. Quelles persécutions j’ai subies ! Et de toutes le Seigneur m’a délivré ! 12 D’ailleurs tous ceux qui veulent vivre avec piété dans le Christ Jésus seront persécutés. 13 Quant aux hommes mauvais et aux imposteurs, ils progresseront dans le mal, trompant les autres et trompés eux-mêmes. 14 Mais toi, demeure ferme dans ce que tu as appris et accepté comme certain : tu sais de qui tu l’as appris. 15 Depuis ta tendre enfance tu connais les Saintes Ecritures ; elles ont le pouvoir de te communiquer la sagesse qui conduit au salut par la foi qui est dans le Christ Jésus. 16 Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour réfuter, pour redresser, pour éduquer dans la justice, 17 afin que l’homme de Dieu soit accompli, équipé pour toute œuvre bonne.
Evangile de Luc 21,5-11 – Annonce de la ruine du temple et signes proches et lointains du jugement
5 Comme quelques-uns parlaient du temple, de son ornementation de belles pierres et d’ex-voto, Jésus dit : 6 « Ce que vous contemplez, des jours vont venir où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. »
7 Ils lui demandèrent : « Maître, quand donc cela arrivera-t-il, et quel sera le signe que cela va avoir lieu ? » 8 Il dit : « Prenez garde à ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront en prenant mon nom ; ils diront : “C’est moi” et “Le moment est arrivé” ; ne les suivez pas. 9 Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne soyez pas effrayés. Car il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. »
10 Alors il leur dit : « On se dressera nation contre nation et royaume contre royaume. 11 Il y aura de grands tremblements de terre et en divers endroits des pestes et des famines, des faits terrifiants venant du ciel et de grands signes.
Prédication du 26 octobre 2025 à Péry, dans le Jura bernois, en Suisse
Infliger à ses paroissiens trois textes bibliques à dominante clairement négative, n’est-ce pas un tort, un manquement, de la part d’un pasteur de paroisse, consacré afin de prêcher la Parole d’espérance de l’Evangile ? N’y a-t-il pas le risque que les fidèles s’en retournent ce dimanche à la maison en se disant : « Eh bien, le culte d’aujourd’hui m’a découragé » ?
D’un autre côté, édulcorer continuellement la Bible en la dépouillant de tous ses textes difficiles à lire, décourageants ou même inquiétants, n’est-ce pas une solution de facilité qui a pour effet de banaliser le message biblique, de le rendre lisse, sans aspérités et sans prise sur la réalité historique souvent dramatique de l’humanité ? La politique de l’autruche, apaisante à court terme, se montre souvent catastrophique à long terme.
N’est-il pourtant pas vrai qu’en toute circonstance, un pasteur est chargé de délivrer une parole positive, prêchant la victoire de l’Evangile sur le mal et sur la mort. Oui, certainement ! Au chevet des mourants, à domicile ou à l’hôpital, et même auprès des blessés inguérissables sur un champ de bataille, le message reste de le même : Il s’agit de l’accueil inconditionnel de Dieu et de la délivrance des misères de l’existence présente.
Trois textes bibliques qui évoquent les drames de l’histoire
Alors, pourquoi présenter trois textes bibliques qui évoquent chacun à leur manière les drames de l’histoire humaine ? Le bref livre du prophète Nahoum évoque presque exclusivement la chute sans remède et définitive de l’Empire assyrien et de sa capitale Ninive, aux environs de 612 avant Jésus-Christ. Le texte paulinien évoque les nombreuses persécutions subies par l’apôtre Paul, tandis que le texte de l’Evangile de Luc, sous la forme d’une petite apocalypse, évoque la destruction du Temple de Jérusalem, qui eut lieu en 70 après Jésus-Christ, et plus généralement les malheurs de l’histoire humaine : faux messies porteurs de promesses illusoires, guerres, révoltes, épidémies et famines, etc.
Pourquoi présenter de tels textes bibliques, qui ternissent inévitablement l’ambiance du culte ? La réponse est simple : Parce que ce sont des réalités historiques, et que l’Evangile de Jésus-Christ, tout en étant une parole de victoire sur le mal, n’est pas une échappatoire. L’Evangile n’est pas une rêverie joyeuse, ni un conditionnement psychologique positif. La crucifixion et la résurrection de Jésus annoncent à la fois la réalité du mal et sa délivrance.
Cette annonce simultanée du malheur et du bonheur est une caractéristique du message biblique dans son ensemble. La contradiction des deux aspects simultanés de la vie est soulignée dans la littérature de sagesse : « Si un homme vit de nombreuses d’années, qu’il se réjouisse en elles toutes, mais qu’il se souvienne que les jours sombres sont nombreux, que tout ce qui vient est vanité » (Qo 11,8). Se réjouir de la vie, malgré la réalité du mal.
Le livre du prophète Nahoum entre effondrement et délivrance
A vrai dire, chacun des trois textes de ce jour, malgré sa dominante négative, contient des braises d’espérance. Le livre entier du prophète Nahoum, en particulier, en décrivant l’effondrement de Ninive, cache en réalité un message de délivrance. La ruine de l’oppresseur correspond à la libération des opprimés. Le texte poétique multiplie les figures stylistiques qui soulignent ce renversement improbable de situation politique.
« Depuis toujours, Ninive était comme un réservoir aux eaux abondantes. Et les voilà qui s’échappent ! » (Na 2,9). Quel contraste entre la réputation invincible de la ville, et l’éventrement des murailles, qui laissent s’échapper ses réserves d’eau ! « Les portes donnant sur les fleuves sont forcées, au palais, c’est l’effondrement » (Na 2,7). Les digues protégeant la ville s’effondrent, entrainant la dislocation du palais réputé imprenable.
Au même titre que l’eau s’échappe de partout, « le courage s’évanouit, les genoux flageolent, ils tremblent de tout leur corps, tous les visages sont cramoisis » (Na 2,11). Le texte évoque ainsi le type particulier de détresse qui frappe l’homme qui croyait sa puissance à l’abris de toute défaite ; la surprise, la déconvenue inattendue du tyran. La Bonne Nouvelle, c’est ici que les dominateurs sont renvoyés au rang de tous les humains. Ils se croyaient invincibles, et les voici subitement abattus, ridicules, remplis d’angoisses.
La conclusion du livre est sans appel : « Irréparable, ton désastre, incurables, tes blessures ! Quiconque apprend de tes nouvelles applaudit à ton mal. Eh oui ! sur qui ta cruauté n’a-t-elle pas passé et repassé ? » (Na 3,19). Le texte décrit ainsi le soulagement des victimes de la domination assyrienne, sans qualifier moralement leur joie toute humaine suscitée à la vue de la déroute de leur ennemi. Dans sa présentation, Jean-Daniel Macchi constate « que l’espoir du triomphe violent est moins choquant lorsqu’il sort de la bouche ou de la plume des opprimés » (Intro. à l’Ancien T., Labor et Fides, 2009, p.519).
Nos sentiments politiques
Ne sommes-nous pas habités de sentiments semblables lorsque nous espérons la chute des empires qui nous menacent, comme la Russie de Poutine ; ou l’affaiblissement des puissances commerciales qui nous exploitent, comme les Etats-Unis de Trump ; ou encore la défaite des gouvernements qui nous déplaisent, comme celui de Netanyahou sur Israël.
Nous nous exaspérons face à la longévité de régimes agressifs comme celui de Poutine, qui n’hésite pas à éliminer ses opposants sans la moindre pitié, tel le sort réservé à Alexeï Navalny en 2024, dans l’indifférence internationale la plus complète. Nous nous étonnons du destin impitoyable réservé à certains hommes ayant exercé des fonctions politiques de renommée internationale, comme le président français Nicolas Sarkozy incarcéré. Ainsi, nos sentiments politiques ne sont-ils pas comparables à ceux des prophètes bibliques, auxquels nous reprochons facilement leurs jugements théologiques d’apparence extrême ?
Les deux agirs divins dans l’histoire : Providence et Révélation
Néanmoins, la complexité de l’histoire, faite de jugements tantôt rapides, tantôt absents, rend impossible toute compréhension exhaustive de l’action divine providentielle. Selon la théologie chrétienne, Dieu agit de deux manières dans l’histoire, d’une part au travers de ses jugements providentiels, qui demeurent incompréhensibles, et d’autre part par sa révélation, au travers du peuple juif puis de Jésus-Christ, qui nous est accessible.
Demeurer ferme et tenir tête
Lorsque nous sommes gagnés par le sentiment du marasme généralisé de l’histoire, qui plonge l’humanité dans une grisaille morale insurpassable, une seule parole d’Evangile nous suffit à tenir tête à la fatalité de la vie terrestre : « Quant aux hommes mauvais et aux imposteurs, ils progresseront dans le mal, trompant les autres et trompés eux-mêmes. Mais toi, demeure ferme dans ce que tu as appris, […], la sagesse qui conduit au salut par la foi qui est dans le Christ Jésus » (2 Tm 3,13-14). Le mal n’est pas ignoré ! Au contraire, sa réalité appelle à une conduite ferme : Selon l’Evangile, le juste ne parvient pas à enrayer toute la corruption du mal, étant lui-même gagné par la corruption du péché, il lui est donc demandé de persévérer à bien agir en s’appuyant sur la grâce divine qui lui est allouée.
L’Evangile n’implique donc pas une espérance politique naïve, mais une force pour agir face à l’adversité : « Prenez garde à ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront en mon nom, […], ne les suivez pas » (Lc 21,8). Vivre de l’Evangile consiste donc à se garder de croire aux promesses trop belles, celles qui rêvent un peu trop vite d’un avenir radieux, miraculeux et heureux, débarrassé de la difficile réalité de l’histoire humaine. L’Evangile n’enseigne pas qu’il soit possible d’établir sur Terre un gouvernement évangélique au-dessus de tout soupçon. Toute tentative d’établir sur Terre un « Règne de Dieu » avant l’heure, une théocratie au travers de laquelle Dieu gouvernerait le monde, se solde en réalité par l’établissement d’un système politique totalitaire, dans lequel les dirigeants se targuent de prétentions divines, alors qu’ils ne sont que des êtres humains ordinaires et faillibles. La foi chrétienne n’est pas une fuite de la réalité vers un idéal utopique, elle permet au contraire d’habiter la réalité humaine telle qu’elle est, avec ses difficultés et ses promesses. Amen.
Vous pouvez réagir à cette prédication sur » mon propre site internet.