Isabelle Plante. Cityboule. Peinture fantastique imaginant une ville idéale, sublime, de rêve.
Jésus n'a pas demandé à ses disciples de quitter le judaïsme. C'est après sa disparition que l'apôtre Pierre, suite à une vision extatique, a défendu l'idée selon laquelle le message de l'Evangile s'adressait à tous les humains, juifs et non-juif. Et c'est ensuite l'apôtre Paul qui a imposé l'idée selon laquelle la pratique de la Loi juive ne pouvait être source de salut, en raison de la faiblesse humaine, et ne devait pas être imposée aux convertis non-juifs à la foi en Jésus-Christ. De fait, le christianisme était né.
Jésus n'a pas demandé à ses disciples de quitter le judaïsme. C'est après sa disparition que l'apôtre Pierre, suite à une vision extatique, a défendu l'idée selon laquelle le message de l'Evangile s'adressait à tous les humains, juifs et non-juif. Et c'est ensuite l'apôtre Paul qui a imposé l'idée selon laquelle la pratique de la Loi juive ne pouvait être source de salut, en raison de la faiblesse humaine, et ne devait pas être imposée aux convertis non-juifs à la foi en Jésus-Christ. De fait, le christianisme était né.
Gilles Bourquin,
Livre des Actes des Apôtres 11,1-11 – Le récit de Pierre à Jérusalem
1 Les apôtres et les frères établis en Judée avaient entendu dire que les nations païennes, à leur tour, venaient de recevoir la parole de Dieu. 2 Lorsque Pierre remonta à Jérusalem, les circoncis eurent des discussions avec lui : 3 « Tu es entré, disaient-ils, chez des incirconcis notoires et tu as mangé avec eux ! » 4 Alors Pierre reprit l’affaire depuis le début et la leur exposa point par point :
5 « Comme je me trouvais dans la ville de Joppé en train de prier, j’ai vu en extase cette vision : du ciel descendait un objet indéfinissable, une sorte de toile immense qui, par quatre points, venait se poser du ciel, et qui est arrivée jusqu’à moi. 6 Le regard fixé sur elle, je l’examinais et j’ai vu les quadrupèdes de la terre, les animaux sauvages, ceux qui rampent et ceux qui volent dans le ciel. 7 Puis j’entends une voix me dire : “Allez, Pierre ! Tue et mange.” 8 Je dis alors : “Jamais, Seigneur. Car de ma vie rien d’immonde ou d’impur n’est entré dans ma bouche.” 9 Une seconde fois la voix reprend depuis le ciel : “Ce que Dieu a rendu pur, toi, ne va pas le déclarer immonde !” 10 Cela a recommencé trois fois, puis le tout a été de nouveau hissé dans le ciel. 11 Et voilà qu’à l’instant même trois hommes se sont présentés à la maison où nous étions ; ils m’étaient envoyés de Césarée.
Epître de Paul aux Galates 2,11-16 – Le conflit d’Antioche : la vérité de l’Evangile et la grâce de la foi
11 Mais, lorsque Céphas vint à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, car il s’était mis dans son tort. 12 En effet, avant que soient venus des gens envoyés par Jacques, il prenait ses repas avec les païens ; mais, après leur arrivée, il se mit à se dérober et se tint à l’écart, par crainte des circoncis ; 13 et les autres Juifs entrèrent dans son jeu, de sorte que Barnabas lui-même fut entraîné dans ce double jeu. 14 Mais, quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Evangile, je dis à Céphas devant tout le monde : « Si toi qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à se comporter en Juifs ? » 15 Nous sommes, nous, des Juifs de naissance et non pas des païens, ces pécheurs. 16 Nous savons cependant que l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la loi, mais seulement par la foi de Jésus Christ ; nous avons cru, nous aussi, en Jésus Christ, afin d’être justifiés par la foi du Christ et non par les œuvres de la loi, parce que, par les œuvres de la loi, personne ne sera justifié.
Epître de Paul aux Galates 3,1-5 – La source du don de l’Esprit
1 O Galates stupides, qui vous a envoûtés alors que, sous vos yeux, a été exposé Jésus Christ crucifié ? 2 Eclairez-moi simplement sur ce point : Est-ce en raison de la pratique de la loi que vous avez reçu l’Esprit, ou parce que vous avez écouté le message de la foi ? 3 Etes-vous stupides à ce point ? Vous qui d’abord avez commencé par l’Esprit, est-ce la chair maintenant qui vous mène à la perfection ? 4 Avoir fait tant d’expériences en vain ! Et encore, si c’était en vain ! 5 Celui qui vous dispense l’Esprit et opère parmi vous des miracles, le fait-il donc en raison de la pratique de la loi ou parce que vous avez écouté le message de la foi ?
Evangile de Luc 22,24-30 – Avertissement et promesse aux douze
24 Ils en arrivèrent à se quereller sur celui d’entre eux qui leur semblait le plus grand. 25 Jésus leur dit : « Les rois des nations agissent avec elles en seigneurs, et ceux qui dominent sur elles se font appeler bienfaiteurs. 26 Pour vous, rien de tel. Mais que le plus grand parmi vous prenne la place du plus jeune, et celui qui commande la place de celui qui sert. 27 Lequel est en effet le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Or, moi, je suis au milieu de vous à la place de celui qui sert.
28 « Vous êtes, vous, ceux qui avez tenu bon avec moi dans mes épreuves. 29 Et moi, je dispose pour vous du Royaume comme mon Père en a disposé pour moi : 30 ainsi vous mangerez et boirez à ma table dans mon royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël. »
Prédication du dimanche 19 octobre 2025 à Orvin, dans le Jura bernois, en Suisse
Le Nouveau Testament raconte la vie tumultueuse de Jésus et de ses premiers disciples, en particulier les apôtres Pierre et Paul qui, avec l’apôtre Jean, furent ceux qui exercèrent la plus grande influence sur le développement et la foi des premières Eglises chrétiennes. Nous reprenons ici toute l’histoire à partir du ministère de Jésus, pour relater ensuite les expériences très différentes vécues par Pierre et Paul. En effet, les événements de leurs vies ont fortement contribué à séparer le christianisme du judaïsme après la disparition de Jésus.
Le très bref ministère terrestre de Jésus
Selon les sources écrites, le ministère de Jésus a été très bref. Il a duré un peu plus d’un an selon les Evangiles synoptiques (de Matthieu, Marc et Luc) et un peu plus de trois ans selon l’Evangile de Jean, avant sa crucifixion, suivie de ses apparitions à ses disciples durant quarante jours. Par conséquent, durant ce laps de temps extrêmement court, Jésus n’a pas eu le temps de mettre sur pied les premières Eglises, ni même d’établir leurs règles de fonctionnement. Il n’a pu enseigner que les lignes directrices, les grandes idées, l’esprit et le dynamisme dans lequel les futurs chrétiens seraient appelés à vivre. Ainsi, Jésus a posé les fondements sur lesquels ses disciples ont ensuite bâti et organisé les Eglises.
On ne peut pas vraiment dire que Jésus est devenu chrétien, car il n’a pas quitté l’enceinte du judaïsme de son temps. Se considérant comme un disciple du prophète Jean le Baptiste, qui appelait le peuple juif à la repentance, Jésus est resté une sorte de rabbin juif itinérant, progressivement rejeté par les autorités religieuses juives. Pourtant, ses premiers disciples n’ont pas eu l’impression de devoir se détacher du judaïsme afin de fonder une nouvelle religion. Ils pensaient que l’enseignement de Jésus allait avoir suffisamment d’influence pour réformer le judaïsme entier, ou alors, que la voie chrétienne allait devenir un courant particulier du judaïsme, aux côtés des voies pharisienne, essénienne et zélote, notamment.
Les raisons de la séparation progressive des communautés chrétiennes du judaïsme
Jésus n’a pas demandé à ses disciples de quitter le judaïsme. Au contraire, il prêchait dans les synagogues juives et invitait ses disciples à aller se présenter aux prêtres juifs selon la tradition. Si les premières communautés chrétiennes se sont progressivement séparées du judaïsme, c’est donc en raison d’événements qui ont eu lieu après la mort de Jésus. On peut dès lors se demander ce qui a conduit les disciples de Jésus, devenus les apôtres des premières Eglises après sa mort, à se détacher progressivement du sein du judaïsme.
Il est évident que la crucifixion de Jésus a fortement renforcé l’opposition de ceux qui étaient demeurés ses disciples après sa mort, avec le reste de la communauté juive. Il serait cependant abusif d’affirmer que la persécution subie par Jésus et ses premiers disciples, de la part des autorités juives, est la seule ou la principale cause qui a conduit les premiers chrétiens à se séparer du judaïsme et à fonder une nouvelle religion à part entière. Plusieurs revendications des apôtres concernant des différences théologiques fondamentales avec le judaïsme sont aussi à l’origine de l’émancipation chrétienne.
L’Evangile peut-il être communiqué aux païens, ces impurs ?
Cette question a fait l’objet d’âpres débats parmi les apôtres, et notamment entre Pierre et Paul, que le Nouveau Testament raconte en détail, en majeure partie dans les Actes des Apôtres (Ac 15) et dans l’épître aux Galates. Le livre des Actes indique que l’Eglise de Jérusalem, dont les apôtres Jacques, Céphas (c’est-à-dire Pierre) et Jean étaient considérés comme les colonnes directrices (Gal 2,9), était divisée en deux clans : les Hellénistes, sans doute d’origine étrangère, grecque en particulier, et les Hébreux, sans doute d’origine juive (Ac 6,1). Le livres des Actes ne précise pas quelles étaient les différences exactes entre ces deux clans. En revanche, ce livre raconte en détail comment les premiers apôtres ont vécu dans leur for intérieur, on pourrait dire « dans leurs tripes », les profondes mutations religieuses qui ont conduit à faire de la séparation entre le judaïsme répandu dans l’Empire romain et les Eglises chrétiennes une évidence si forte que plus personne ne pouvait la contester.
L’apôtre Pierre, proche disciple de Jésus dès les débuts de son ministère et dirigeant de l’Eglise de Jérusalem, était un pécheur du lac de Tibériade, c’est-à-dire un praticien. L’apôtre Paul, en revanche, qui n’avait pas connu Jésus lors de son séjour terrestre, était un professionnel du religieux, un théologien pharisien doté d’une formation philosophique. Tout séparait donc ces deux hommes, à part leurs forts tempéraments. Chacun d’eux reçut une vision adaptée à son caractère, qui le conduisit à se détacher nettement du judaïsme.
L’apôtre Pierre, tout apôtre de Jésus qu’il était, avait conservé un fort ancrage dans les lois hébraïques fondées sur la distinction entre le pur et l’impur. Il ne mangeait aucun animal impur (reptiles, oiseaux, certains quadrupèdes, etc.) et se gardait de toute relation avec les non-juifs, considérés comme religieusement impurs. Une expérience le fit changer d’avis.
Juste avant d’être contacté par le centurion romain Corneille, un non-juif qui craignait le Dieu de la Bible et souhaitait entendre parler de l’Evangile (Ac 10,2), Pierre eut une vision lorsqu’il était en prière sur sa terrasse (Ac 10,9-10). Il vit une sorte de toile remplie d’animaux impurs descendre du ciel, et entendit la voix de Dieu qui lui disait, l’invitant à manger : « Ce que Dieu a rendu pur, toi, tu ne vas pas le déclarer immonde ! » (Ac 10,15 et 11,9). Cette expérience extatique fit l’effet d’une révolution dans l’attitude de Pierre, qui accepta de se rendre chez le centurion Corneille et d’exposer l’Evangile à toute sa maisonnée, en commençant par ces mots : « c’est un crime pour un juif d’avoir […] quelque contact avec un étranger. Mais, à moi, Dieu vient de me faire comprendre qu’il ne fallait déclarer immonde ou impur aucun homme » (Ac 10,28).
Avec cette révélation complémentaire à l’enseignement de Jésus, survenue après coup, le christianisme était né en tant que religion universelle clairement distincte du judaïsme, adressée à tous les humains, quelle que soit leur race, leur culture et leurs croyances. Pour autant, sa mutation n’était pas encore achevée. Il s’agissait de déterminer si les non-juifs, désormais admis à la foi en Jésus, devaient ou non pratiquer les rituels et appliquer les commandements du judaïsme. Ce point essentiel, Jésus ne l’avait pas encore précisé.
L’Assemblée de Jérusalem et le conflit à propos de la circoncision
Un conflit survenu dans l’Eglise d’Antioche, à propos de la nécessité ou non de circoncire selon la loi de Moïse les non-juifs convertis à la foi chrétienne, incita cette Eglise à envoyer l’apôtre Paul à Jérusalem afin de clarifier cette question (Ac 15,1-4). Cette Assemblée de Jérusalem eut lieu entre l’an 48 et 51 de notre ère, donc une vingtaine d’années après le ministère et la mort de Jésus. Dans son épître aux Galates (2,11-21), l’apôtre Paul mentionne un conflit qu’il aurait eu avec Pierre à propos du partage des repas avec les non-juifs, avant l’Assemblée de Jérusalem, tandis les Actes ne le mentionnent pas.
En effet, la séparation de Paul d’avec le judaïsme avait été beaucoup plus radicale que celle de Pierre. Auparavant persécuteur pharisien de l’Eglise, Paul avait bénéficié d’une révélation foudroyante de Jésus en se rendant à Damas, racontée trois fois dans le livre des Actes (chap. 9, 22, 26). Il était ensuite pour ainsi dire devenu instantanément un adversaire du judaïsme, fermement opposé à la nécessité de pratiquer la loi de Moïse pour être sauvé.
En effet, selon les apôtres de Jérusalem, la dispense de pratiquer la Loi juive avait avant tout pour but « de ne pas accumuler d’obstacles devant ceux des païens qui se tournent vers Dieu » (Ac 15,19). C’était une manière pratique de faciliter la conversion des non-juifs au christianisme en diminuant les charges qui leur étaient imposées. En effet, si cette décision n’avait pas été prise, nous chrétiens serions censés être circoncis et appliquer les rituels et les commandements de la Loi de Moïse. Paul, de façon plus tranchée que Pierre et les autres apôtres, avait fait de la libération de la Loi le centre de sa prédication. Prétendre être sauvé en obéissant à toute la Loi était à ses yeux impossible en raison de la faiblesse de la nature humaine, toujours portée au péché. Selon le christianisme de Paul, auquel Pierre se rallia, seule la foi en Jésus sauve, et non la pratique de la Loi (Gal 2,16). Amen
Post-scriptum : Du commandement de la Loi au service du prochain
En définitive, ces deux mutations à partir du judaïsme (l’extension des destinataires à l’ensemble de l’humanité et la dispense d’appliquer la Loi de Moïse dans tous ses détails) ont profondément transformé l’esprit religieux juif et façonné l’esprit chrétien selon les grandes lignes indiquées préalablement par Jésus. Ainsi, le christianisme n’est plus une religion du rituel et du commandement selon la Loi, mais une religion de l’amour du prochain, qui invite à se mettre au service d’autrui, contre toute forme d’exploitation (Lc 22,24-27). Force est de constater que ce changement de paradigme religieux a transformé en profondeur le destin des pays occidentaux dans un premier temps, puis celui de tous ceux qui ont été influencés par le christianisme ou qui l’ont adopté en divers lieux de la planète.
Propositions de lecture
Les personnes lectrices de cette prédication qui ne sont pas familières avec ces problématiques gagneraient à lire, dans le Nouveau Testament, le quinzième chapitre des Actes des Apôtres, et le deuxième chapitre de l’épître de Paul aux Galates. Ces deux brèves lectures exposent de manière condensée l’ensemble de ces questions polémiques relatives à la naissance du christianisme.
Vous pouvez réagir à cette prédication sur » mon propre site internet.
1 Les apôtres et les frères établis en Judée avaient entendu dire que les nations païennes, à leur tour, venaient de recevoir la parole de Dieu. 2 Lorsque Pierre remonta à Jérusalem, les circoncis eurent des discussions avec lui : 3 « Tu es entré, disaient-ils, chez des incirconcis notoires et tu as mangé avec eux ! » 4 Alors Pierre reprit l’affaire depuis le début et la leur exposa point par point :
5 « Comme je me trouvais dans la ville de Joppé en train de prier, j’ai vu en extase cette vision : du ciel descendait un objet indéfinissable, une sorte de toile immense qui, par quatre points, venait se poser du ciel, et qui est arrivée jusqu’à moi. 6 Le regard fixé sur elle, je l’examinais et j’ai vu les quadrupèdes de la terre, les animaux sauvages, ceux qui rampent et ceux qui volent dans le ciel. 7 Puis j’entends une voix me dire : “Allez, Pierre ! Tue et mange.” 8 Je dis alors : “Jamais, Seigneur. Car de ma vie rien d’immonde ou d’impur n’est entré dans ma bouche.” 9 Une seconde fois la voix reprend depuis le ciel : “Ce que Dieu a rendu pur, toi, ne va pas le déclarer immonde !” 10 Cela a recommencé trois fois, puis le tout a été de nouveau hissé dans le ciel. 11 Et voilà qu’à l’instant même trois hommes se sont présentés à la maison où nous étions ; ils m’étaient envoyés de Césarée.
Epître de Paul aux Galates 2,11-16 – Le conflit d’Antioche : la vérité de l’Evangile et la grâce de la foi
11 Mais, lorsque Céphas vint à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, car il s’était mis dans son tort. 12 En effet, avant que soient venus des gens envoyés par Jacques, il prenait ses repas avec les païens ; mais, après leur arrivée, il se mit à se dérober et se tint à l’écart, par crainte des circoncis ; 13 et les autres Juifs entrèrent dans son jeu, de sorte que Barnabas lui-même fut entraîné dans ce double jeu. 14 Mais, quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Evangile, je dis à Céphas devant tout le monde : « Si toi qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à se comporter en Juifs ? » 15 Nous sommes, nous, des Juifs de naissance et non pas des païens, ces pécheurs. 16 Nous savons cependant que l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la loi, mais seulement par la foi de Jésus Christ ; nous avons cru, nous aussi, en Jésus Christ, afin d’être justifiés par la foi du Christ et non par les œuvres de la loi, parce que, par les œuvres de la loi, personne ne sera justifié.
Epître de Paul aux Galates 3,1-5 – La source du don de l’Esprit
1 O Galates stupides, qui vous a envoûtés alors que, sous vos yeux, a été exposé Jésus Christ crucifié ? 2 Eclairez-moi simplement sur ce point : Est-ce en raison de la pratique de la loi que vous avez reçu l’Esprit, ou parce que vous avez écouté le message de la foi ? 3 Etes-vous stupides à ce point ? Vous qui d’abord avez commencé par l’Esprit, est-ce la chair maintenant qui vous mène à la perfection ? 4 Avoir fait tant d’expériences en vain ! Et encore, si c’était en vain ! 5 Celui qui vous dispense l’Esprit et opère parmi vous des miracles, le fait-il donc en raison de la pratique de la loi ou parce que vous avez écouté le message de la foi ?
Evangile de Luc 22,24-30 – Avertissement et promesse aux douze
24 Ils en arrivèrent à se quereller sur celui d’entre eux qui leur semblait le plus grand. 25 Jésus leur dit : « Les rois des nations agissent avec elles en seigneurs, et ceux qui dominent sur elles se font appeler bienfaiteurs. 26 Pour vous, rien de tel. Mais que le plus grand parmi vous prenne la place du plus jeune, et celui qui commande la place de celui qui sert. 27 Lequel est en effet le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Or, moi, je suis au milieu de vous à la place de celui qui sert.
28 « Vous êtes, vous, ceux qui avez tenu bon avec moi dans mes épreuves. 29 Et moi, je dispose pour vous du Royaume comme mon Père en a disposé pour moi : 30 ainsi vous mangerez et boirez à ma table dans mon royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël. »
Prédication du dimanche 19 octobre 2025 à Orvin, dans le Jura bernois, en Suisse
Le Nouveau Testament raconte la vie tumultueuse de Jésus et de ses premiers disciples, en particulier les apôtres Pierre et Paul qui, avec l’apôtre Jean, furent ceux qui exercèrent la plus grande influence sur le développement et la foi des premières Eglises chrétiennes. Nous reprenons ici toute l’histoire à partir du ministère de Jésus, pour relater ensuite les expériences très différentes vécues par Pierre et Paul. En effet, les événements de leurs vies ont fortement contribué à séparer le christianisme du judaïsme après la disparition de Jésus.
Le très bref ministère terrestre de Jésus
Selon les sources écrites, le ministère de Jésus a été très bref. Il a duré un peu plus d’un an selon les Evangiles synoptiques (de Matthieu, Marc et Luc) et un peu plus de trois ans selon l’Evangile de Jean, avant sa crucifixion, suivie de ses apparitions à ses disciples durant quarante jours. Par conséquent, durant ce laps de temps extrêmement court, Jésus n’a pas eu le temps de mettre sur pied les premières Eglises, ni même d’établir leurs règles de fonctionnement. Il n’a pu enseigner que les lignes directrices, les grandes idées, l’esprit et le dynamisme dans lequel les futurs chrétiens seraient appelés à vivre. Ainsi, Jésus a posé les fondements sur lesquels ses disciples ont ensuite bâti et organisé les Eglises.
On ne peut pas vraiment dire que Jésus est devenu chrétien, car il n’a pas quitté l’enceinte du judaïsme de son temps. Se considérant comme un disciple du prophète Jean le Baptiste, qui appelait le peuple juif à la repentance, Jésus est resté une sorte de rabbin juif itinérant, progressivement rejeté par les autorités religieuses juives. Pourtant, ses premiers disciples n’ont pas eu l’impression de devoir se détacher du judaïsme afin de fonder une nouvelle religion. Ils pensaient que l’enseignement de Jésus allait avoir suffisamment d’influence pour réformer le judaïsme entier, ou alors, que la voie chrétienne allait devenir un courant particulier du judaïsme, aux côtés des voies pharisienne, essénienne et zélote, notamment.
Les raisons de la séparation progressive des communautés chrétiennes du judaïsme
Jésus n’a pas demandé à ses disciples de quitter le judaïsme. Au contraire, il prêchait dans les synagogues juives et invitait ses disciples à aller se présenter aux prêtres juifs selon la tradition. Si les premières communautés chrétiennes se sont progressivement séparées du judaïsme, c’est donc en raison d’événements qui ont eu lieu après la mort de Jésus. On peut dès lors se demander ce qui a conduit les disciples de Jésus, devenus les apôtres des premières Eglises après sa mort, à se détacher progressivement du sein du judaïsme.
Il est évident que la crucifixion de Jésus a fortement renforcé l’opposition de ceux qui étaient demeurés ses disciples après sa mort, avec le reste de la communauté juive. Il serait cependant abusif d’affirmer que la persécution subie par Jésus et ses premiers disciples, de la part des autorités juives, est la seule ou la principale cause qui a conduit les premiers chrétiens à se séparer du judaïsme et à fonder une nouvelle religion à part entière. Plusieurs revendications des apôtres concernant des différences théologiques fondamentales avec le judaïsme sont aussi à l’origine de l’émancipation chrétienne.
L’Evangile peut-il être communiqué aux païens, ces impurs ?
Cette question a fait l’objet d’âpres débats parmi les apôtres, et notamment entre Pierre et Paul, que le Nouveau Testament raconte en détail, en majeure partie dans les Actes des Apôtres (Ac 15) et dans l’épître aux Galates. Le livre des Actes indique que l’Eglise de Jérusalem, dont les apôtres Jacques, Céphas (c’est-à-dire Pierre) et Jean étaient considérés comme les colonnes directrices (Gal 2,9), était divisée en deux clans : les Hellénistes, sans doute d’origine étrangère, grecque en particulier, et les Hébreux, sans doute d’origine juive (Ac 6,1). Le livres des Actes ne précise pas quelles étaient les différences exactes entre ces deux clans. En revanche, ce livre raconte en détail comment les premiers apôtres ont vécu dans leur for intérieur, on pourrait dire « dans leurs tripes », les profondes mutations religieuses qui ont conduit à faire de la séparation entre le judaïsme répandu dans l’Empire romain et les Eglises chrétiennes une évidence si forte que plus personne ne pouvait la contester.
L’apôtre Pierre, proche disciple de Jésus dès les débuts de son ministère et dirigeant de l’Eglise de Jérusalem, était un pécheur du lac de Tibériade, c’est-à-dire un praticien. L’apôtre Paul, en revanche, qui n’avait pas connu Jésus lors de son séjour terrestre, était un professionnel du religieux, un théologien pharisien doté d’une formation philosophique. Tout séparait donc ces deux hommes, à part leurs forts tempéraments. Chacun d’eux reçut une vision adaptée à son caractère, qui le conduisit à se détacher nettement du judaïsme.
L’apôtre Pierre, tout apôtre de Jésus qu’il était, avait conservé un fort ancrage dans les lois hébraïques fondées sur la distinction entre le pur et l’impur. Il ne mangeait aucun animal impur (reptiles, oiseaux, certains quadrupèdes, etc.) et se gardait de toute relation avec les non-juifs, considérés comme religieusement impurs. Une expérience le fit changer d’avis.
Juste avant d’être contacté par le centurion romain Corneille, un non-juif qui craignait le Dieu de la Bible et souhaitait entendre parler de l’Evangile (Ac 10,2), Pierre eut une vision lorsqu’il était en prière sur sa terrasse (Ac 10,9-10). Il vit une sorte de toile remplie d’animaux impurs descendre du ciel, et entendit la voix de Dieu qui lui disait, l’invitant à manger : « Ce que Dieu a rendu pur, toi, tu ne vas pas le déclarer immonde ! » (Ac 10,15 et 11,9). Cette expérience extatique fit l’effet d’une révolution dans l’attitude de Pierre, qui accepta de se rendre chez le centurion Corneille et d’exposer l’Evangile à toute sa maisonnée, en commençant par ces mots : « c’est un crime pour un juif d’avoir […] quelque contact avec un étranger. Mais, à moi, Dieu vient de me faire comprendre qu’il ne fallait déclarer immonde ou impur aucun homme » (Ac 10,28).
Avec cette révélation complémentaire à l’enseignement de Jésus, survenue après coup, le christianisme était né en tant que religion universelle clairement distincte du judaïsme, adressée à tous les humains, quelle que soit leur race, leur culture et leurs croyances. Pour autant, sa mutation n’était pas encore achevée. Il s’agissait de déterminer si les non-juifs, désormais admis à la foi en Jésus, devaient ou non pratiquer les rituels et appliquer les commandements du judaïsme. Ce point essentiel, Jésus ne l’avait pas encore précisé.
L’Assemblée de Jérusalem et le conflit à propos de la circoncision
Un conflit survenu dans l’Eglise d’Antioche, à propos de la nécessité ou non de circoncire selon la loi de Moïse les non-juifs convertis à la foi chrétienne, incita cette Eglise à envoyer l’apôtre Paul à Jérusalem afin de clarifier cette question (Ac 15,1-4). Cette Assemblée de Jérusalem eut lieu entre l’an 48 et 51 de notre ère, donc une vingtaine d’années après le ministère et la mort de Jésus. Dans son épître aux Galates (2,11-21), l’apôtre Paul mentionne un conflit qu’il aurait eu avec Pierre à propos du partage des repas avec les non-juifs, avant l’Assemblée de Jérusalem, tandis les Actes ne le mentionnent pas.
En effet, la séparation de Paul d’avec le judaïsme avait été beaucoup plus radicale que celle de Pierre. Auparavant persécuteur pharisien de l’Eglise, Paul avait bénéficié d’une révélation foudroyante de Jésus en se rendant à Damas, racontée trois fois dans le livre des Actes (chap. 9, 22, 26). Il était ensuite pour ainsi dire devenu instantanément un adversaire du judaïsme, fermement opposé à la nécessité de pratiquer la loi de Moïse pour être sauvé.
En effet, selon les apôtres de Jérusalem, la dispense de pratiquer la Loi juive avait avant tout pour but « de ne pas accumuler d’obstacles devant ceux des païens qui se tournent vers Dieu » (Ac 15,19). C’était une manière pratique de faciliter la conversion des non-juifs au christianisme en diminuant les charges qui leur étaient imposées. En effet, si cette décision n’avait pas été prise, nous chrétiens serions censés être circoncis et appliquer les rituels et les commandements de la Loi de Moïse. Paul, de façon plus tranchée que Pierre et les autres apôtres, avait fait de la libération de la Loi le centre de sa prédication. Prétendre être sauvé en obéissant à toute la Loi était à ses yeux impossible en raison de la faiblesse de la nature humaine, toujours portée au péché. Selon le christianisme de Paul, auquel Pierre se rallia, seule la foi en Jésus sauve, et non la pratique de la Loi (Gal 2,16). Amen
Post-scriptum : Du commandement de la Loi au service du prochain
En définitive, ces deux mutations à partir du judaïsme (l’extension des destinataires à l’ensemble de l’humanité et la dispense d’appliquer la Loi de Moïse dans tous ses détails) ont profondément transformé l’esprit religieux juif et façonné l’esprit chrétien selon les grandes lignes indiquées préalablement par Jésus. Ainsi, le christianisme n’est plus une religion du rituel et du commandement selon la Loi, mais une religion de l’amour du prochain, qui invite à se mettre au service d’autrui, contre toute forme d’exploitation (Lc 22,24-27). Force est de constater que ce changement de paradigme religieux a transformé en profondeur le destin des pays occidentaux dans un premier temps, puis celui de tous ceux qui ont été influencés par le christianisme ou qui l’ont adopté en divers lieux de la planète.
Propositions de lecture
Les personnes lectrices de cette prédication qui ne sont pas familières avec ces problématiques gagneraient à lire, dans le Nouveau Testament, le quinzième chapitre des Actes des Apôtres, et le deuxième chapitre de l’épître de Paul aux Galates. Ces deux brèves lectures exposent de manière condensée l’ensemble de ces questions polémiques relatives à la naissance du christianisme.
Vous pouvez réagir à cette prédication sur » mon propre site internet.