Prédication : Saisir ou être saisi par un Psaume ?

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Image : Cindy Lutz Kornet’s Gallery

Un immense vertige nous a saisi, tout s’est renversé, nous voulions monter vers Dieu, comprendre la Bible, et c’est lui, le Christ, le Messie, qui est descendu vers nous pour nous comprendre. Il est, Lui, la véritable poésie de Dieu, il est le Psaume premier et ultime de Dieu.





Gilles Bourquin,
Psaume 19 – Du chef de chœur. Psaume de David

1 Du chef de chœur. Psaume de David.

2 Les cieux racontent la gloire de Dieu,
le firmament proclame l’œuvre de ses mains.

3 Le jour en prodigue au jour le récit,
la nuit en donne connaissance à la nuit.

4 Ce n’est pas un récit, il n’y a pas de mots, leur voix ne s’entend pas.

5 Leur harmonie éclate sur toute la terre
et leur langage jusqu’au bout du monde.
Là-bas, Dieu a dressé une tente pour le soleil :

6 c’est un jeune époux sortant de la chambre,
un champion joyeux de prendre sa course.

7 D’un bout du ciel il surgit, il vire à l’autre bout,
et rien n’échappe à sa chaleur.

8 La loi du SEIGNEUR est parfaite, elle rend la vie ;
la charte du SEIGNEUR est sûre, elle rend sage le simple.

9 Les préceptes du SEIGNEUR sont droits, ils rendent joyeux le cœur ;
le commandement du SEIGNEUR est limpide, il rend clairvoyant.

10 La crainte du SEIGNEUR est chose claire,
elle subsiste toujours ;
les décisions du SEIGNEUR sont la vérité,
toutes, elles sont justes.

11 Plus désirables que l’or
et quantité d’or fin ;
plus savoureuses que le miel,
que le miel nouveau !

12 Ton serviteur lui-même en est éclairé ;
il trouve grand profit à les garder.

13 Qui s’aperçoit des erreurs ?
Acquitte-moi des fautes cachées !

14 Eloigne aussi ton serviteur des orgueilleux :
qu’ils n’aient pas d’emprise sur moi,
alors je serai parfait et innocent d’un grand péché.

15 Que les paroles de ma bouche
et le murmure de mon cœur
soient agréés en ta présence,
SEIGNEUR, mon roc et mon défenseur !

Prédication du dimanche 3 novembre 2024 à Péry, dans le Jura bernois, en Suisse

Un Psaume ne répond sans doute pas toujours à nos attentes, quand nous ouvrons la Bible. Nous sommes déçus si le texte ne nous fournit pas de réponses claires à nos questions, et s’il n’est pas arrangé comme nous le souhaitons.

Je vais nous fournir une liste de déceptions, et montrer comment, radicalement, elles se retournent en bénédictions, si nous acceptons de ne pas seulement lire le texte biblique, mais d’entrer dans le texte, si vous voyez à peu près ce que j’essaye de dire…

Lire le texte, c’est déchiffrer des mots les uns après les autres, reconstruire la phrase dans sa tête, et essayer de la comprendre. Ce verbe com-prendre est formé des deux mots latins cum, avec, et prehendere, prendre. Quand nous voulons comprendre le texte, en fait, nous désirons l’emporter chez nous, le ramener à quelque chose que nous comprenons.

Or, un Psaume dit parfois un peu le contraire de ce que nous souhaitons, parce qu’il ne se laisse pas gentiment ramener dans la maison de notre savoir, sous notre contrôle. Non, le Psaume nous résiste, il nous dérange, son sens nous est souvent in-compréhensible, parce que nous ne pouvons pas ramener le mystère de Dieu à nos propres pensées.

Non, vraiment non, ça ne se passera pas comme ça, parce que si nous nous prêtons au jeu, ce n’est pas nous qui allons ramener le Psaume à notre maison. C’est elle, l’Ecriture sainte, la Poésie sacrée du Psaume, qui va nous emmener chez elle, c’est le Psaume qui va nous com-prendre.

Vous comprenez ? Quand le Psaume nous comprend, quand il nous prend chez lui, entre ses lignes, dans ses méandres d’incompréhension, sans le savoir, nous sommes sanctifiés.

Voici peut-être le juste sens d’un Psaume. Ce n’est pas d’être compris par nous, mais de nous prendre avec lui dans sa mélodie, dans sa poésie, afin de nous sanctifier. Or, je vous l’ai dit, un Psaume nous oriente parfois différemment que nous le souhaitons. Nous voudrions apprendre à prier, or je crois bien qu’il n’y a pas vraiment de méthode, et que les Psaumes ne nous apprennent pas grand-chose dans cette direction. Ils n’enseignent pas à prier, ils prient et ils sont Prière, tout simplement, ils nous entrainent dans la prière.

La traduction et l’interprétation

En entrant dans le Psaume, nous rencontrons une première déception : Sa traduction. Mais je vous l’ai dit dès le début : Si nous acceptons la déception, elle se change en bénédiction. Démonstration : Le Psaume 19 pivote autour du verset 8a, qui est traduit ainsi en français :

TOB : La loi du Seigneur est parfaite, elle rend la vie.
Français courant : La loi du Seigneur est parfaite, elle rend la force de vivre.
La Bible annotée : La loi de l’Eternel est parfaite, elle restaure l’âme.
Commentaire Maillot et Lelièvre : Le livre du Seigneur est complet, il change la vie.
Chouraqui : La tora de Yahvé-Adonai est intègre, elle restaure l’être.
Le Rabbinat français : La doctrine de l’Eternel est parfaite : Elle réconforte l’âme.
Bible interlinéaire : La torah de/ YHWH/ parfaite/ faisant revenir/ l’être (6 mots hébreux).

Bien sûr, il est pratique de traduire le mot hébreu torat par tora, mais ce n’est pas une traduction. Si on procède ainsi pour tous les mots, le texte reste en hébreu. Si on se sert d’un dictionnaire pour traduire le texte, la déception s’aggrave. Selon Sander & Trenel, tora signifie ou est traduit par : Enseignement, instruction, Loi, règle, manière, et ce dictionnaire indique que ce substantif est tiré de la conjugaison au cas Hiphil du verbe jarah, qui signifie jeter, tirer, indiquer, montrer avec la main, apprendre, instruire. Si je procède ainsi pour les cinq autres mots hébreux de la phrase, l’analyse sera longue, et nous n’aurons commencé à traduire que six mots du Psaume. La déception provient du fait qu’il n’existe pas de traduction exacte, juste, parfaite, et que le dictionnaire ne résout rien. En revanche, la bénédiction est grande, car nous avons été sanctifiés par le texte sans nous en rendre compte, parce que nous ne l’avons pas compris avec des mots, mais vécu en notre esprit.

Un Psaume peut facilement nous donner le vertige, parce que si nous entrons dans le texte, nous avons l’impression de tomber dans le vide entre les mots, le texte nous précipite dans un néant ténébreux, où justement le Dieu saint se cache.

Clairement, nous rencontrons Dieu au travers du Psaume en reculant devant la capture des traductions et en entrant dans la recherche du sens du texte qui est aussi la recherche de Dieu, car personne, j’ai bien dit, PERSONNE, ne maîtrise et ne perçoit la traduction du texte, le sens du Psaume et la réalité de Dieu parfaitement.

A ce point, je suis en mesure de vous poser la question « bête » qui est la bonne question : Pour vous, la tora de Yahvé, la Loi de l’Eternel, le livre du Seigneur, c’est quoi ? Et vous avez compris que nous ne trouverons pas de réponse toute faite, mais qu’il nous faudra, ensemble mais aussi chacun pour soi, nous coltiner à apprendre à entrer dans la Bible.

A ce point, nous n’avons pas saisi le texte ; c’est le Psaume, la prière, la poésie qui nous a saisis, et ainsi, nous sommes entrés dans le Saint des saints, dans la maison de Dieu. Pourriez-vous, s’il vous plait, définir pour moi ces trois mots : prière, saint et Dieu. Ces mots-là, et tant d’autres, représentent une Histoire sainte de bientôt quatre mille ans. Mais attention : Je n’ai jamais dit qu’ils ne veulent rien dire ! J’ai dit qu’ils veulent dire ce qu’ils choisissent eux-mêmes de nous dire, et ce que Dieu lui-même choisit de nous enseigner. C’est cela, la tora, justement, ce que Dieu a décidé de nous enseigner, et rien d’autre.

La théologie

Vous voyez, un immense vertige nous a saisi, tout s’est renversé, nous voulions monter vers Dieu, expliquer la Bible, et c’est lui, le Christ, le Messie, qui est descendu vers nous. Il est, Lui, la véritable poésie de Dieu, il est le Psaume premier et ultime de Dieu.

Je n’ai pas dit que la théologie ne sert à rien. Je n’ai pas dit que l’étude savante de la Bible est une perte de temps. C’est l’inverse qui est vrai. La théologie, en mettant en perspective diverses « compréhensions » de la Bible, nous évite de tomber dans le piège de la religion institutrice, celle qui sait tout, qui explique tout, qui impose tout et qui condamne tout.

Si Dieu se tient caché quelque part entre les mailles du texte biblique, dans la traduction et l’interprétation de l’hébreu et du grec, cela ne signifie pas qu’il y est prisonnier. Rien ne permet d’enfermer Dieu, même pas la Bible. D’ailleurs, à ce sujet, notre Psaume comporte une bien étrange propriété : Le verset 8a, que nous avons étudié, est le premier où le nom du Dieu des juifs, Yahvé, apparaît. Dans toute la première partie du Psaume (v.2-7), qui célèbre la gloire de Dieu dans la Création visible, le Ciel et la Terre, seul le nom divin El apparaît une seule fois au v.2. Maillot & Lelièvre affirment dans leur commentaire que El est le nom du « dieu suprême du panthéon phénicien », et ils traduisent El par divinité.

Nous pourrions interpréter cela de deux manières, sans preuve absolue : D’une part, il est probable que la première partie du Psaume 19 ne soit pas d’origine juive, car elle célèbre le dieu El, que les nations autour d’Israël vénéraient aussi. Les scribes juifs auraient donc intégré au début du Psaume un texte non juif, relatant la révélation du dieu El dans la Création, que partagent tous les peuples de la Terre lorsqu’ils contemplent l’harmonie cosmique qui raconte la gloire du dieu El sans user de mots (v2.4). D’autre part, estimant cette ouverture tout azimut néanmoins insuffisante, ils auraient complété cette révélation universelle mais muette du dieu El, par la Révélation de Yahvé, dans la seconde partie du Psaume 19, qui est le Dieu spécifique des Juifs, auxquels il a confié la tora, à savoir la Révélation écrite, parlée et méditée qui restaure la vie, l’âme et l’être. Amen

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