








Le miroir
Quelques-uns de ses camarades, sur le point de partir, se mettent à rire. Le regard interrogateur, le professeur fixe longuement l’étudiant. Est-ce une demande sérieuse ? Il comprend vite qu’elle l’est. Je vais vous répondre.
De la poche de son pantalon, il sort son portefeuille, en retire un petit miroir rond, pas plus grand qu’une pièce de monnaie et dit :
J’étais encore enfant, c’était durant la guerre. Un jour, je vis sur le chemin un miroir brisé. J’en gardais le fragment le plus, que voici. Souvent, je m’amusais à diriger sa lumière réfléchie dans coins sombres où le soleil ne brillait jamais : trous profonds, crevasses et autres cavités.
Devenu adulte, je compris que ce morceau de miroir avait un sens particulier pour moi. Plus qu’un jeu d’enfant, c’était la métaphore de ce que je pouvais réaliser dans la vie.
Moi aussi, je suis le fragment d’un miroir que je ne connais pas dans sa totalité. Avec ce que je possède, je peux envoyer la lumière, la vérité, la compréhension, la bonté, la tendresse, dans les replis les plus secrets du cœur humain et changer ainsi quelque chose chez ceux que je côtoie. D’autres personnes en font peut-être tout autant. Voilà en quoi consiste pour moi le sens de la vie.
Bruno Ferrero, Graines de sagesse